jeudi, juin 07, 2012

Le Masque / The Mask _ Charles Baudelaire


Au vu de mes derniers posts, certains l’auront peut-être deviné :
Ces derniers mois, bouclant ainsi un cycle de près de 15 ans, je suis retournée à la Peinture.

Comme une évidence toute simple, parce que le moment est venu. De repousser les garde-fous, de travailler sans filet, de retourner à l’essence du regard. En soi, sur le monde et vers les autres.
Parce que comme une évidence, tout est désormais là en banque en moi pour partir ailleurs, vers de nouvelles libertés.

Et puis à la croisée des chemins, Charles Baudelaire et ses Fleurs du Mal.
Le mystère des choses quand même !!
Alors que je ne l’attendais vraiment plus, cette œuvre que j’ai tenté d’approcher à plusieurs reprises depuis près de 25 ans à des ages différents, et qui s’est toujours refusée à moi, s’est ouverte, là, simplement...

...Plus comme une musique, ou comme une résonance naturelle de l’instant, que véritablement comme un objectif. Comme une amie fidèle elle m’as pris la main, et m’accompagne dans ce travail intérieur, profondément symbolique et plus intime.

Alors, je partage...

 "Le Masque" / Copyright Agata Kawa
Aquarelle et feuille d’Or_Format 101,5 x 71 cm

XX. LE MASQUE
    Statue allégorique dans le goût de la Renaissance
   
À Ernest Christophe, statuaire.

   
    Contemplons ce trésor de grâces florentines ;
    Dans l'ondulation de ce corps musculeux
    L'élégance et la force abondent, sœurs divines.
    Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
    Divinement robuste, adorablement mince,
    Est faite pour trôner sur des lits somptueux,
    Et charmer les loisirs d'un pontife ou d'un prince.
   
    - Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
    Où la fatuité promène son extase ;
    Ce long regard sournois, langoureux et moqueur ;
    Ce visage mignard, tout encadré de gaze,
    Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur :
    " La volupté m'appelle et l'amour me couronne ! "
    À cet être doué de tant de majesté
    Vois quel charme excitant la gentillesse donne !
    Approchons, et tournons autour de sa beauté.
   
    Ô blasphème de l'art ! Ô surprise fatale !
    La femme au corps divin, promettant le bonheur,
    Par le haut se termine en monstre bicéphale !
   
    Mais non ! Ce n'est qu'un masque, un décor suborneur,
    Ce visage éclairé d'une exquise grimace,
    Et, regarde, voici, crispée atrocement,
    La véritable tête, et la sincère face
    Renversée à l'abri de la face qui ment.
    Pauvre grande beauté ! Le magnifique fleuve
    De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux ;
    Ton mensonge m'enivre, et mon âme s'abreuve
    Aux flots que la douleur fait jaillir de tes yeux !
   
    - Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite
    Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu,
    Quel mal mystérieux ronge son flanc d'athlète ?
   
    - Elle pleure, insensé, parce qu'elle a vécu !
    Et parce qu'elle vit ! Mais ce qu'elle déplore
    Surtout, ce qui la fait frémir jusqu'aux genoux,
    C'est que demain, hélas ! Il faudra vivre encore !
    Demain, après-demain et toujours ! - comme nous !

Charles Baudelaire _ Les Fleurs du Mal 
1857

"Le Masque" / Copyright Agata Kawa _ Détail

Un mot encore vers une de mes Muses adorées, Lauréline, sans qui toute cette aventure n’aurait assurément pas la même saveur. 

 "Le Masque" / Copyright Agata Kawa _ Détail


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All my pictures are Copyright Agata Kawa ]


Looking at my last posts, some of you may have guessed :
Those last few months, coming a 15 years long full circle, I came back to Paint.

Simply, like an obviousness, because the moment has come. To push back the parapet, to take risks, to get back to the essential quality of the look.  In the self, upon the world, and to the others.
Because like an obviousness, everything is now here in me to go somewhere else, to new freedoms.

And then, at the crossroads, Charles Baudelaire and his Flowers of Evil.
How mysterious things are sometimes !!
Just when I didn’t wait for it anymore, this oeuvre that I tried to approach many many times all along those last 25 years, at different periods of my life, and that always refused itself to me, finally opened to me now, simply…

… More like a music, or like a natural resonance of the instant, than like really an intention. Like a faithful friend it took my hand and came along during the inner work, profoundly symbolist and more intimate.

So, I share…

 "The Mask" / Copyright Agata Kawa
Watercolour & Gold leaf _ Size 40 x 28 inches

XX. The Mask
     Allegorical Statue in the Style of the Renaissance
    
To Ernest Christophe, Sculptor

Let us gaze at this gem of Florentine beauty;
In the undulation of this brawny body
Those divine sisters, Gracefulness and Strength, abound.
This woman, a truly miraculous marble,
Adorably slender, divinely robust,
Is made to be enthroned upon sumptuous beds
And to charm the leisure of a Pope or a Prince.

— And see that smile, voluptuous and delicate,
Where self-conceit displays its ecstasy;
That sly, lingering look, mocking and languorous;
That dainty face, framed in a veil of gauze,
Whose every feature says, with a triumphant air:
"Pleasure calls me and Love gives me a crown!"
To that being endowed with so much majesty
See what exciting charm is lent by prettiness!
Let us draw near, and walk around its loveliness.

O blasphemy of art! Fatal surprise!
That exquisite body, that promise of delight,
At the top turns into a two-headed monster!

Why no! it's but a mask, a lying ornament,
That visage enlivened by a dainty grimace,
And look, here is, atrociously shriveled,
The real, true head, the sincere countenance
Reversed and hidden by the lying face.
Poor glamorous beauty! the magnificent stream
Of your tears flows into my anguished heart;
Your falsehood makes me drunk and my soul slakes its thirst
At the flood from your eyes, which Suffering causes!

— But why is she weeping? She, the perfect beauty,
Who could put at her feet the conquered human race,
What secret malady gnaws at those sturdy flanks?

— She is weeping, fool, because she has lived!
And because she lives! But what she deplores
Most, what makes her shudder down to her knees,
Is that tomorrow, alas! she will still have to live!
Tomorrow, after tomorrow, always! — like us!

Charles Baudelaire _ Flowers of Evil
1857

One word again toward one of my beloved Muses, Lauréline, without whom this adventure wouldn’t have the same flavour.

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6 commentaires:

  1. C'est superbe !
    Ma claque de la semaine ! :)
    [ouch!]

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  2. Une inspiration prise chez Klimt et son allégorie de la Médecine ? ;)

    Beau travail en tout cas.

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  3. J'adore ton graphisme tes couleurs Gustav oui d'accord mais l'esprit n'est pas le même !
    C'est onirique...

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  4. Que maravilha de trabalhos.Fiquei encantada.Meu grande abraço.

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    1. Splendide, je suis une grande fan de ton travail, mais là, je scotche encore plus ! <3

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  5. Merveilleux, on retrouve quelque chose de l'Art Nouveau, du style Jugendstil de Klimt mais tant d'Agata Kawa ! Une merveille, quel talent ! Bravo pour le travail sur cette aquarelle, c'est vertigineux !

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